La planète des pinces à linge (Libre)

Féo accosta. Elle sauta de son vilain petit bateau et retrouva avec plaisir le contact rassurant de la terre ferme.
La traversée avait été mouvementée. Elle avait mis beaucoup plus de temps à atteindre cette île depuis Syrup Town qu'il n'en fallait normalement. Tout ça à cause d'un violent orage qui, après avoir manqué la tuer, l'avait désorientée. Elle s'était perdue et n'avait dû son salut qu'à un navire marchand qui lui avait donné, en plus de provisions, sa position.
Le sens de l'orientation n'était pas sa qualité première et elle n'avait jamais été une bonne navigatrice. Elle arrivait à faire avec la plupart du temps, mais étant son propre équipage, c'était parfois problématique.
Orange Town, donc. Petit village sans prétentions qu'elle avait déjà visité, mais cette fois-ci, c'était différent. Des rumeurs à propos d'une bande de pirates qui s'y était posée l'y avaient attirée. Elle doutait de la crédibilité de l'information mais elle avait quand même fait un détour, au cas où. Elle s'ennuyait, ces derniers temps. Un peu d'action ne lui ferait pas de mal.
Tant qu'à faire, autant acheter des livres. Elle avait lu et relu sa collection personnelle, elle la connaissait maintenant par cœur, il était temps de se réapprovisionner. Elle aimait bien lire mais il n'y avait pas beaucoup de place sur son bateau, alors elle était parfois obligée de se débarrasser de quelques ouvrages, même si elle détestait ça. Pendant les longues traversées ennuyeuses, la lecture constituait son unique passe-temps.
Plissant les yeux à cause du vent, Féo se dirigea vers le village. Il était environ midi, les habitants devaient être en train de manger.

- Hé ! Vous êtes qui ?

Elle s'immobilisa et jeta un coup d'œil en direction de la voix. C'était un garçon d'environ dix-sept ans, brun aux yeux marron, l'air méfiant, qui se tenait debout quelques mètres devant elle, prêt à lui barrer la route. Elle se présenta et expliqua qu'elle avait entendu parler de pirates.

- Eh bah on vous a raconté des craques. Il n'y a pas de pirates ici. Fichez-moi le camp !

- Ça fait des semaines que je voyage. J'ai besoin de faire des achats ! En quoi ma présence vous gêne-t-elle ? Je suis déjà venue ici et je me souviens d'un autre accueil.

Elle avait déjà eu affaire à ce genre d'énergumènes grégaires et savait qu'en général, ils campaient sur leurs positions aussi longtemps qu'un individu hiérarchiquement plus élevé ne les obligeait à obtempérer. Or les rues étaient désertes. À part ce type, il ne semblait pas y avoir âme qui vive.
Le garçon continuait à faire "non" de la tête, l'œil dur. Tout dans ses attitudes dénotait l'hostilité. Féo réfléchit à un moyen de le faire céder.